Manga Hebdo #16

Poison City, tome 1, Tetsuya Tsutsui

Tokyo, 2019. À mois d'un an de l'ouverture des Jeux Olympiques, le Japon est bien décidé à faire place nette avant de recevoir les athlètes du monde entier. Une vague de puritanisme exacerbé s'abat dans tout le pays, cristallisée par la multiplication de mouvements autoproclamés de vigilance citoyenne. Littérature, cinéma, jeu vidéo, bande dessinée : aucun mode d'expression n'est épargné. C'est dans ce climat suffocant que Mikio Hibino, jeune auteur de 32 ans, se lance un peu naïvement dans la publication d'un manga d'horreur ultra réaliste, Dark Walker. 

Une démarche aux conséquences funestes qui va précipiter l'auteur et son éditeur dans l'oeil du cyclone… En s'appuyant sur son expérience personnelle, Tetsuya Tsutsui (Prophecy, Manhole) nous livre avec Poison City une oeuvre fascinante sur la liberté d'expression et les coulisses de la création manga au Japon.

Ma chronique

Manga très attendu en particulier avec la venue de l'auteur au salon du Livre cette année. Au début je ne pensais pas l'acheter parce que j'ai aimé Prophecy qui fut sympathique mais je ne m'étais pas vraiment intéressée à l'histoire de celui-là. Forcément, j'ai vu l'auteur sur le stand, j'ai vu la belle édition de ce manga, je me suis sentie presque obligée de l'acheter même si je suis bien contente de l'avoir fait !

Poison City, c'est un mangaka, Mikio, qui propose à un magazine son histoire à propos d'humains cannibales. L'éditeur trouve cela très intéressant, cependant la censure évoluant de plus en plus au Japon, en particulier avec la proximité des J.O. de 2020, il a peur des retombées que cela pourrait avoir sur le magazine tout entier, et pas sans raisons. L'histoire peut être trop choquante et trop violente pour la jeunesse nippone. 

Ce que j'aime beaucoup pour commencer c'est cette référence que l'auteur fait à ses propres ouvrages en parlant de la censure puisqu'on voit des images de Prophecy (jugé ouvrage déconseillé) et Manhole (jugé ouvrage nocif).

Le problème avec cette censure, c'est que plus on avance dans l'oeuvre de Tsutsui, plus le mangaka Mikio doit faire des compromis dans son manga, Dark Walker, jusqu'à ce qu'il soit complètement dénaturé, ce qui n'a plus aucun sens puisqu'on s'éloigne de l'idée première qu'il avait eu. Les arguments de ces censeurs sont valables, certes, mais ils sont poussés à l'extrême si bien que ça en devient complètement fou. On a l'impression que toute la culture japonaise est amenée à disparaître si la censure continue dans ce sens… Cependant, cette censure semble avoir des mauvais côtés mais également des bons, comme le juge le mangaka Matsumoto qui en a fait les frais et qui argumente à ce sujet. J'aime beaucoup le fait d'avoir le côté positif et négatif à ce propos. 

Un autre point que je trouve intéressant est que la censure est comparée à l'apocalypse, ou du moins à ce qui s'en rapproche le plus. De plus avec le dossier à propos de Manhole à la fin, on est d'autant plus certain que cette œuvre n'est autre qu'un manifeste contre cette censure qui risque de détruire des œuvres qui ne méritent pourtant pas d'être classifiées comme étant nocives pour la jeunesse. 

C'est vraiment un excellent manga, très bien illustré, très bien mis structuré, avec des scènes particulièrement intéressantes qui savent mettre en relief l'idée première de l'auteur. Comme ça va être une série vraiment courte, on s'imagine bien que les choses vont se passer très vite dans le tome 2, en particulier avec la venue de cet américain qui va changer la donne pour Mikio, qui est la cible principale des censeurs dans cette œuvre.